En visite en RDC, dernière phase de sa tournée africaine, le président français n’a pas eu le kilo de condamner officiellement et solennellement le Rwanda pour son soutien à la rébellion du M23 qui occupe illégale des territoires congolais depuis juin 2022.
Emmanuel Macron était particulièrement attendu sur les enjeux sécuritaires en RDC. Le dirigeant français a été assailli de questions posées par les journalistes congolais. Ils ont interrogé à plusieurs reprises le président Macron au sujet des relations entre Paris et Kigali, qui est accusé par Kinshasa de soutenir les rebelles du M23, dans l’espoir d’une condamnation formelle du Rwanda par le chef de l’Etat français.
Mais, sans surprise, les multiples réponses d’Emmanuel Macron étaient évasives quand il fallait parler du Rwanda ou de l’implication de la France dans l’interminable conflit à l’Est de la RDC.
Qu’importe la persistance des questions, Emmanuel Macron n’a pas pris de nouvelles positions concernant les exactions menées à l’Est à l’encontre des populations congolaises. En 2022, le M23 a été impliqué dans un massacre d’une centaine des civils à l’Est de la RDC dans la province du Nord-Kivu.
Des attaques et massacres qualifiés “d’agression injuste et barbare” par le président congolais Félix Tshisekedi samedi 4 mars 2023 lors de leur conférence de presse commune au Palais du peuple.
Le 19 décembre, par un communiqué du Quai d’Orsay, Paris condamnait pour la première fois le soutien du Rwanda au M23, puis la secrétaire d’Etat chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux, auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Chrysoula Zacharopoulou, avait réitéré cette condamnadation.
Même si cette condamnation n’avait pas été retirée, elle sera tardive par rapport aux autres pays de la communauté internationale, à l’instar des États-Unis d’Amérique et de la Belgique qui n’avaient pas tardé de condamner l’implantation du Rwanda pour son rôle dans le conflit à l’Est de la RDC.
Peu avant son arrivée sur le sol congolais, le président français avait été critiqué par de nombreux manifestants kinois réunis à la capitale. “Emmanuel Macron n’est pas le bienvenu” scandaient-ils, pointant du doigt l’absence de réelle condamnation par la France du soutien apporté par le Rwanda aux rebelles du M23.
Mais pourquoi la France ne peut pas publiquement condamner le Rwanda ?
Si la France peine à condamner fermement l’action du Rwanda, c’est notamment du fait de relations étroites entre les deux pays, l’alliance franco-rwandaise s’étend désormais à plusieurs secteurs. La France a noué un partenariat stratégique avec le Rwanda en matière sécuritaire et économique, il est très important pour Paris.
Le Rwanda, partenaire incontournable du Rwanda est aussi un bouc émissaire dans le conflit à l’Est dont le but d’exploiter les ressources minières de la province du Nord-Kivu, cela arrache des mots à Emmanuel Macron s’il faut qu’il dénonce l’agression rwandaise au Congo-Kinshasa.
Les Nations-Unies ont besoin du Rwanda pour fournir des troupes à leurs missions de maintien de la paix !
Le Rwanda aussi est pourvoyeur de troupes pour les Casques bleus de l’ONU. Ses soldats sont notamment déployés en Centrafrique et au Mozambique dans le cadre d’opérations onusiennes sur le continent. Il est très difficile de trouver des pays qui acceptent d’envoyer des soldats dans des opérations de maintien de la paix.
“D’un côté, il devrait y avoir une condamnation de Kigali, de l’autre les Nations-Unies ont besoin du Rwanda pour fournir des troupes à leurs missions de maintien de la paix »
En plus de l’ONU, l’Union européenne compte aussi sur le Rwanda pour assurer le maintien de la paix dans la région. Fin 2022, les 27 pays membres ont décidé de débloquer une aide financière d’un montant de 20 millions d’euros à destination de l’armée rwandaise. Un appui fortement contesté par Kinshasa, qui a dénoncé un soutien à un pays qui finance la rébellion dans le pays.
Tout état de chose, la diplomatie du président congolais Félix Tshisekedi ne tiendra pas s’il continue à s’attacher à la France ou à l’ONU pour l’aider à mettre fin à l’insécurité à l’Est.
Pour parvenir à réaliser sa promesse aux populations de l’Est à qui il a promis le retour de la paix après son élection à la magistrature suprême, Félix Tshisekedi doit plutôt se tourner vers l’Asie, notamment vers la Russie, la Chine, la Corée ou l’Arabie Saoudite.
Serge Mulimani