Malgré un succès indéniable qui a marqué sa carrière entre 2013 et 2018, l’artiste musicien Katembo Vindusivyolo Telesphore, dit “Vindus”, voit aujourd’hui son nom s’effacer de la scène musicale de Butembo (Nord-Kivu). Pourtant, à la sortie de son album “Abikolerera” en 2017, son nom résonnait partout. Sa musique, inspirée des réalités de la vie quotidienne, jouissait d’une notoriété incontestable.
Malheureusement, ce succès n’a que très peu profité à l’artiste. Son album, bien que populaire, ne lui a presque rien rapporté. Quelques années plus tard, il peine encore à se relancer sur la scène musicale locale.
“Mes chansons parlent des réalités vécues dans ma communauté. Presque tout le monde parlait de moi, et j’ai vraiment apprécié cette reconnaissance. Le seul profit que j’ai tiré, c’est la popularité. Mais en termes de richesse, je n’ai rien gagné avec cet album. Peut-être que ce sont les détenteurs des cabines de téléchargement qui en ont bénéficié. Les gens aiment la musique, mais ils n’arrivent pas à soutenir les artistes”, regrette-t-il.
L’artiste se dit prêt à produire un nouvel album, à condition de trouver un nouveau producteur capable de l’accompagner et d’investir dans le projet.
“J’avais été aidé par la maison Nguvu Tangauzi, à part elle, personne d’autre ne nous a soutenus par la suite. C’est pour cette raison que j’ai tout arrêté. Mais je suis prêt à travailler si je parviens à trouver un autre producteur. Mon absence sur la scène est liée à ce manque de producteur. Si j’en trouve un, j’ai des œuvres prêtes à être lancées sur le marché pour contribuer à l’éducation collective. J’ai beaucoup de choses qui attendent d’être enregistrées”, explique-t-il.
Management en défaut
La situation de Katembo Vindusivyolo Telesphore, dit “Vindus”, reflète celle de nombreux autres artistes dont la carrière peine à évoluer après un succès. C’est notamment vrai pour Paluku Vikwire Gervais, connu sous le nom de “Quatre Langues”. Cet artiste musicien septuagénaire, qui cumule plus de 20 ans d’expérience, reconnaissable à sa guitare toujours entre les mains, est convaincu que sa musique a plus profité à d’autres personnes.
“J’ai participé à plusieurs événements et concerts. Quand j’ai produit mes premières chansons, les gens les ont multipliées sans que je le sache, et ils les vendaient là-bas. Je ne recevais rien. Même ailleurs, comme à Kasindi, quand j’essaie d’y organiser un concert, les percepteurs des frais des billets les détournent. D’autres personnes m’avaient encore appelé à Oicha pour un concert. La concession où nous étions était pleine, mais on m’a remis seulement 50 dollars alors qu’ils avaient gagné beaucoup d’argent. C’est pourquoi j’ai abandonné la musique, juste pour éviter de me faire exploiter”, énumère l’auteur compositeur de la célèbre chanson “Elivere lya Masika”.
L’absence de producteurs et le manque d’une équipe de management pour soutenir les artistes aggravent cette réalité.
“C’est d’abord un problème de management. Il y a des talents qui se manifestent, les gens consomment leurs œuvres intuitives, mais le succès qu’ils rencontrent par intuition ne se reproduit pas faute d’encadrement. La faute ne leur revient pas entièrement, mais ils ont une part de responsabilité. Si les artistes peuvent se chercher des managers pour les accompagner et les soutenir, c’est quelque chose d’important. Ils peuvent se faire accompagner par quelqu’un qui s’y connaît en musique, un spécialiste en communication ou en management. La musique est faite pour une cible, et quand on parle de succès, cela signifie qu’on a atteint cette cible. Il faut donc développer ce travail managérial que de nombreux artistes ne réalisent pas”, explique Richard Taghembwa, spécialiste en communication.
Quand le manque de profit freine les artistes
Pour Freddy Mtoto, Directeur général de FM Distribution, une entreprise spécialisée dans le marketing digital, la distribution musicale et les services numériques basée en ville de Butembo, le faible rendement des œuvres musicales locales constitue un obstacle majeur pour les producteurs potentiels.
“Dans certains cas, les artistes n’arrivent pas à rembourser les fonds investis dans leurs activités par certains producteurs. Même lorsqu’un producteur ne cherche pas à réaliser un gros profit sur un projet, il arrive parfois que l’artiste ne parvienne pas à générer le simple montant investi. C’est pourquoi certains producteurs potentiels hésitent à investir dans la musique. Ce phénomène peut également expliquer la baisse des activités de production musicale dans la ville de Butembo”, pense-t-il.
Il encourage les artistes musiciens à l’autoproduction en attendant de potentiels producteurs. Freddy Mtoto souligne également l’importance pour les artistes de développer des projets d’autofinancement.
“De nombreux artistes de la région se limitent à la musique. Pourtant, il est possible de faire de la musique tout en exerçant une autre activité. On peut être enseignant, lancer un centre d’apprentissage de la guitare, ouvrir une boutique de vêtements ou de téléphones, créer un studio, et bien d’autres choses encore. Il est temps que les artistes pensent à d’autres activités rentables au-delà de la musique. Ils peuvent disposer de leurs propres boutiques et autofinancer leurs projets sans avoir à tendre la main”, propose-t-il.
Depuis quelques mois, un groupe de jeunes entrepreneurs et informaticiens de la ville de Butembo travaille sur un projet de soutien en ligne pour les artistes musiciens locaux. Une fois achevé et lancé, ce projet devrait permettre aux artistes de tirer profit de leurs productions musicales grâce aux souscriptions en ligne de leurs fans. Le média en ligne de promotion culturelle 243Stars est également impliqué dans le projet.
Didy Vitava



























